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Parmi ces prétendants qui brûlaient de l’encens sur son autel, la jeune fille en avait distingué trois, lesquels, se sentant l’objet d’une attention particulière, redoublèrent d’efforts et d’assiduités pour mériter davantage les faveurs de l’idole.

— Trois amoureux ! me direz-vous,

C’est trop pour une et même assez pour deux


comme il est écrit dans la chanson de Nina.

— Pourquoi pas un ? pourquoi pas deux ?

Hé ! le sais-je, moi ! demandez à la belle. Son cœur, en ce moment, se trouvait dans un état de perplexité bien étrange.

Elle avait beau s’interroger, s’examiner, scruter jusqu’aux replis les plus secrets de son âme, il n’y avait pas seulement une ombre d’affection plus prononcée pour l’un plus que pour les autres. Si Gaston était gentil, Hugues était charmant, et André, si aimable ! Gaston était fort bien de figure, sans doute, mais le sourire de Hugues était si attirant, et les yeux d’André, quel poème !

Et tous trois l’aimaient d’un amour si tendre, si désintéressé !

Bref, il lui était impossible de se décider et, puisqu’elle les aimait tous trois, elle les garda auprès d’elle tous les trois.

Elle leur distribua également et impartialement ses attentions ; si, par hasard, l’un avait d’elle un regard plus tendre, l’autre avait son sourire qui en disait tout autant, et le troisième une parole qui valait ou le sourire ou le regard.

Insensiblement, le vide s’était fait autour d’eux ; les autres courtisans abandonnaient petit à petit la position, bientôt il ne resta plus que les trois concurrents en lice.

La lutte pourtant se faisait courtoisement et d’une façon très-amicale. Ils n’avaient d’ailleurs, je vous l’ai déjà dit, rien à envier les uns aux autres.