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Lady Aberdeen avait accepté l’invitation de madame la présidente, et, pendant les instants précédant le repas, elle adressa la parole aux dames assemblées au grand salon pour la recevoir.

C’était la première fois que j’avais l’occasion d’apprécier le talent oratoire de lady Aberdeen, et ma curiosité était assez vivement excitée.

Le discours a été fait en un français très pur, très éloquent, et débité avec toute l’aisance d’un debater habitué à affronter le public.

Comme le sujet choisi avait trait aux bienfaits dus au Conseil National des Femmes depuis sa fondation, — au dit Conseil j’avoue humblement ne rien comprendre du tout, — on me pardonnera de ne pas en donner le résumé.

D’ailleurs le dîner est servi, et Sa Grandeur, ceinte d’un grand tablier blanc, nous attend. Allons donc servir les pauvres malades.

Ici, ma fidélité de chroniqueuse m’oblige à noter un petit fait qui ne saurait passer inaperçu.

Les malades sont partagés en deux catégories : les femmes, occupant le premier étage, et les hommes, le deuxième.

Il fallait alors nécessairement faire deux groupes des dévouées servantes. Or, j’ai cru remarquer, — ce n’est pas pour les blâmer que je le mentionne, — que les sympathies des gentilles demoiselles les portaient plutôt vers le deuxième étage.

— Moi, je vais servir les hommes, ils sont bien plus aimables, déclara résolument une fraîche Marguerite, dont les mèches frisottantes, couleur d’épis murs, formaient, comme une auréole autour de son coquet bonnet de mousseline blanche.

Oui, aimables pour vous, ma jolie, je le crois sans peine, et les médecins ne pourraient conseiller de meilleur tonique pour leurs patients que la vue de ce gai rayon de soleil, passant, léger et radieux, dans leur vie décolorée.