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habillées, la place d’honneur, sans que les années, ô merveille, ne vinssent ternir leurs fraîches couleurs. Celles-là seraient toujours prêtes à notre appel pour illuminer notre route quand se montreraient les moments sombres.

D’autres, habillées de gris, dissimulées dans les angles, dormiraient longtemps sans qu’on songeât à les évoquer. Ni gaies ni tristes, elles relieraient entre eux les événements saillants de notre existence.

D’autres enfin, de noir vêtues et plus nombreuses que leurs sœurs roses, demanderaient plus d’espace, leurs longs voiles d’endeuillement s’épandant en frôlements sinistres pour marquer les trop fréquentes apparitions du malheur.

Voilà à quoi nous songerions en faisant nos adieux à l’année qui s’en va. Puis, nous, nous disposerions à accueillir cette inconnue qui s’appelle 1892.

Une nouvelle année ! bon gré, mal gré, il faut réfléchir. Bien qu’aucun changement dans l’ordre de la nature ne marque la disparition de l’année et la venue de l’autre, cependant, notre âme est envahie par je ne sais quoi de solennel, en songeant à tous les événements que celle-ci nous apporte dans les plis de son manteau.

La raison, l’expérience nous ont appris que le sablier du Temps n’écoule pas ses douze mois sans changer, retrancher, ajouter quelque chose à notre destinée.

Ce qui fait peur, voyez-vous, c’est l’inconnu, c’est l’imprévu, « spectre toujours masqué, qui nous suit côte à côte » et que nous sommes impuissants à éloigner.

Demain, le sort peut nous favoriser, nous cajoler ou nous frapper, nous écraser, nous broyer le cœur, et, plus que tous les lendemains une nouvelle année fait peur.

Une nouvelle année ! Heur ou malheur ?… Mais trêve de réflexions. Ce qu’elle apportera tout