Page:Barry - Chroniques du lundi, 1900.djvu/258

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et si expressives pourtant ; dans mes longues promenades, j’en vois d’innombrables passer devant moi, et pas une ne me tient le même langage.

Il y en a de graves et d’austères, qui dressent leur mine grise et froide au bord du chemin.

Celles-là n’ont pas d’enfants pour les égayer, pas de blonde jeunesse pour dorer d’un rayon de printemps cette apparence terne et sombre.

Les rideaux, devant les fenêtres, sont épais et lourds ; comme il doit faire sombre et froid là dedans !

Ce sont des vieux qui l’habitent, sans doute ; non pas ces petits vieux aimables et bons qui s’entourent de petits enfants et dont le cœur déborde de douceur et de tendresse, mais une vieillesse pleine d’amertume, aigrie par les contrariétés et les soucis.

Leur nature altière ne s’est pas amollie aux frottements continuels d’une longue vie, et ces traits rigides et durs se détendent rarement dans un sourire.

Non, je ne voudrais pas habiter ces demeures, toutes somptueuses qu’elles sont, et je presse le pas, quand il m’arrive de passer devant elles.

N’avez-vous jamais remarqué comme certaines atmosphères de salon pèsent sur vous comme un manteau de glace ?

On ne sait pourquoi, car rien de ce qui vous entoure ne paraît provoquer pareille sensation ; mais vous n’êtes pas plutôt entré qu’une tristesse, un spleen affreux s’empare de vous et ne vous lâche qu’à la sortie.

On dirait que l’ennui y suinte sur tous les murs. Sans s’en apercevoir, on n’y aborde que des sujets tristes, et la conversation prend de ces tons demi-bas qu’on emprunte aux veillées des morts.

Aussi c’est avec un soupir de soulagement que nous nous retrouvons dans la rue, respirant l’air libre et pur du dehors et délivrés d’un poids oppressant.