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Et depuis des jours et des semaines que j’entendais prononcer son nom, vanter ses qualités, ses vertus, ça me donnait sur les nerfs, et volontiers je l’eusse ostracisée.

— Quelle exagération, pensais-je, et comme je vais être désappointée !

Cependant, j’éprouvais une vive curiosité à la connaître ; je me rappelais une touchante histoire d’amour, que l’on m’avait racontée autrefois, et dans laquelle elle avait joué un rôle : histoire triste, faite de larmes et d’adieux éternels, et qui m’était restée gravée dans la mémoire parmi mes meilleurs souvenirs.

Enfin, je l’aperçus un jour, cette héroïne, pour la première fois, sur le bord de la route, frêle, délicate et gracieuse dans sa longue robe noire.

À ses côtés, un délicieux garçonnet de trois ans cachait sa tête blonde dans les plis de ses jupes…

Cela faisait comme un joli tableau.

Elle vint à nous, et tandis qu’elle nous parlait, je lus dans son œil noir, qui luisait avec des scintillements d’étoile, un rayon de cette intelligence qui n’éblouit pas à la façon des météores, mais que l’on sent profonde, solide, parce qu’elle est appuyée sur un jugement droit et sain.

Je vis aussi qu’elle était bonne, et cela me fit plaisir.

Ce n’était pas cette bonté naturelle aux tempéraments faibles et sans énergie, mais un sentiment raisonné, plutôt forcé par la volonté qu’impulsif, comme si on s’était dit : La bonté est sœur de la charité ; elle contribue à rendre heureux tous ceux qui nous entourent ; c’en est assez, soyons bon.

Dans mes entretiens avec elle, je continuai de l’observer avec un soin extrême. Rien ne m’échappait de ses paroles ou de ses mouvements.

Peut-être obéissais-je à un secret instinct, — inhérent à