Page:Barry - Chroniques du lundi, 1900.djvu/247

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

noblesse de leurs sentiments et de leur grandeur d’âme.

Après les luttes violentes d’un passé orageux, après les coups mortels portés par ces deux athlètes de notre arène politique, qu’il est magnanime pour celui qui est resté debout de dire :

— Le plus injuste des deux n’a pas été toi…

Et qu’il est sublime pour le malheureux vaincu d’ouvrir les bras et de répondre :

— Frère, embrassons-nous…

« Et les deux chefs rivaux d’hier, les deux grands ennemis politiques de la veille se sont jetés au cou l’un de l’autre, en sanglotant comme deux pauvres enfants, » raconte pathétiquement le journal du jour.

Ah ! c’est que la mort fait oublier bien des choses, et que l’on juge autrement de la vie au seuil de l’éternité !

Celui qui survit sent fléchir sa haine en face du grand mystère prêt à s’accomplir. Il se prend à désirer que, pour lui aussi, une main sincère et loyale vienne presser la sienne à son heure dernière.

Et celui qui s’en va peut dire, au moment des grandes rétributions, à celui qui a soutenu son courage à l’instant suprême :

— Moi aussi, ô Christ, à ton sublime exemple, moi aussi, j’ai pardonné.

Dieu seul, ce juge équitable devant lequel sa grande âme va bientôt paraître, sait ce qu’il y a de généreux, d’héroïque dans ce pardon.

Non seulement il a pardonné à un ennemi jusque-là implacable, mais qui du moins l’avait toujours combattu en lice ouverte et visière baissée, mais il a prié pour ceux qui l’ont lâchement abandonné au jour de la défaite, pour ceux qui l’ont trahi honteusement, qui ont mordu sa main après l’avoir baisée, pour ceux peut-