Page:Barry - Chroniques du lundi, 1900.djvu/245

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

remarquez comme il y en a peu qui restent fidèles à ces manifestations du cœur quand la mystérieuse influence de ces alentours ne se fait plus sentir…

— Vous aimez les grands bois, me dit un jour ma bonne amie, je vous y mènerai demain, de bon matin.

Et elle tint parole.

Pendant plus de trois quarts d’heure, nous avons monté en pleins champs, jusqu’à ce que nous soyons arrivées au point culminant de la montée, lequel, vu d’en bas, semblait toucher le ciel.

Là, nous avons tourné subitement à droite et, sans crier gare, nous nous sommes trouvées engagées dans une forêt, une vraie forêt, où le feuillage est si touffu que la lumière s’y enténèbre avant de le traverser.

— Nous voici dans les domaines de Monseigneur, dit d’une voix respectueuse Trefflé, notre automédon.

— Quel monseigneur ? demandai-je, étonnée et ne rêvant plus que crosse et tête mitrée.

— Monseigneur Reeves, répondit laconiquement Trefflé.

J’eus un soupir de soulagement, car le seigneur Reeves, ou monsieur Jack, comme il est familièrement appelé, est un aimable châtelain, qui n’a rien de particulièrement austère, et si je vous parlais de son manoir et de ses jolies dépendances, cela vous convaincrait davantage que ses goûts sont loin d’être inclinés vers la haire et le cilice.

Cette forêt donc, longue de plusieurs milles, et de profondeur très grande, ne laissait passer à travers ses bois que la largeur de notre calèche.

Les branches des arbres se rejoignaient au-dessus de nous en d’épais réseaux ; quelques-unes même nous effleuraient au passage comme une caresse.