Page:Barry - Chroniques du lundi, 1900.djvu/235

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

rant de la vie, que les mondes ont passé et passeront, comme nous, mais que Dieu seul est immuable.

Je me rappelle l’émotion profonde que je ressentis, une nuit où, descendant le fleuve, je vis briller la lampe du sanctuaire de l’église de Saint-Sulpice : souvenirs de première communion, souvenirs des jours de l’enfance, des naïves croyances, de cette foi vive et forte dont rien encore n’a terni l’éclat, sa lumière m’a ramené tout cela…

Au-dessus de nos têtes sont allumés les flambeaux des deux, les mignonnes étoiles, qui nous sourient finement et avec des yeux si bons que nous nous sentons meilleurs rien qu’à les regarder.

Leconte de Lisle les a chantées, quelques jours à peine avant d’aller les contempler de plus près :

Les yeux d’or de la nuit, dans la mer qui les berce,
Luisent comme en un ciel lentement onduleux ;
Le tranquille soupir exhalé des flots bleus
Se mêle à l’air muet et tiède, et s’y disperse…

Pour couronner la splendeur de cette nuit d’été, la lune, à l’horizon, va promener son disque dont la beauté inspire tant de poètes.

Je vais donc enfin la contempler à mon aise, la reine des astres, elle dont le faux éclat des feux incandescents a si longtemps empêché sa clarté de parvenir jusqu’à moi.

Non, rien ne saurait égaler son rayonnement incomparable, les reflets pâles et doux de sa lumière, et le charme infini qu’elle répand sur tout ce qu’elle effleure.

Le flot va scintiller sous sa caresse, se couvrir de paillettes étincelantes, et dans le long sillage tracé par le vaisseau, l’œil s’éblouira des traînées lumineuses que la lune y jettera.

Oh ! le bon moment, l’heure mille fois souhaitée, que l’esprit détendu goûte et savoure à loisir.

Une douce rêverie s’empare de votre être ; le passé