Page:Barry - Chroniques du lundi, 1900.djvu/230

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Ce qui me le rend cher, ce n’est point son éclat, car, il est modeste, mais j’aime la gracieuse et délicate attention qui m’en a rendu possesseur.

Et, je m’en sers très souvent, presque à chaque heure du jour. Il adoucit ma tâche, et jamais encore compagnon ne fut plus dévoué, ni plus serviable.

Que je le quitte ou que je le reprenne, son souffle est toujours doux, frais comme le caressant zéphir qui passe sur les plaines.

Il m’y fait rêver. Et, les yeux fermés, pendant que doucement je l’agite, je revois la campagne jolie, les marguerites, les boutons d’or, les rosiers sauvages qui fleurissent dans les blés.

Les grands rosiers ! ce sont eux qui m’attirent, surtout, et que je vois dans mon esprit, aussi distinctement que si je courais encore dans les petits sentiers qui m’y conduisaient jadis…

Près d’eux, croissent encore les fleurettes blanches et roses, aux senteurs de musc, que nous dédaignions autrefois.

Elles étaient, voyez-vous, trop près des roses abondantes et superbes, dont l’éclat, la beauté, éclipsaient tout dans leur voisinage.

Aujourd’hui, toutes deux, et la rose altière et l’humble fleur de musc, inséparables désormais, je les enveloppe dans la même pensée, dans un même et constant souvenir…

À force de songer à toutes ces choses, elles paraissent si près de nous qu’on n’aurait qu’à étendre la main pour les saisir.

Il est des heures où ces tableaux frappent l’imagination si fortement, qu’on croit revivre — pendant quelques instants, du moins, — ces jours tranquilles et heureux, où on n’a d’autres blessures que celles causées par les aiguillons des roses que l’on cueille…