Page:Barry - Chroniques du lundi, 1900.djvu/228

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pelleront encore, — de conduire à pied l’enfant et le petit agneau, et pour empêcher la bête de s’écarter du rôle qui lui était assigné ; quelqu’un, devant elle marchant à reculons, offrait à sa convoitise une hottée de trèfle frais, qui, en l’attirant toujours, la forçait sans cesse d’avancer.

Ce détail intéressa d’autant plus le héros dont je raconte l’histoire, qu’il reconnut, dans le personnage au trèfle fleuri, une ancienne connaissance de son village.

Une telle rencontre et dans une circonstance aussi solennelle ne manqua pas de l’impressionner particulièrement, et, le soir, quand les derniers feux d’artifice eurent jeté dans le ciel leur éclat fulgurant, et qu’il eut repris le chemin de son village, il y songeait encore, tout en prêtant l’oreille aux commentaires de ses compagnons de voyage.

— Crois-tu, hein ! disait le plus vieux, il est vrai que la Catherine est une brave et honnête femme, qu’elle est bonne couturière de son métier, mais jamais on aurait pu s’imaginer qu’un jour viendrait où son garçon donnerait à manger au petit mouton dans la procession de la Saint-Jean-Baptiste.

— Quel honneur ! quel honneur ! répétait l’autre, abasourdi de l’événement.

Une ambition extraordinaire germa tout à coup dans l’esprit de l’enfant.

— Oui, se dit-il en lui-même, un jour viendra où je donnerai à manger, moi aussi, au petit mouton de la St Jean-Baptiste.

Les années s’écoulèrent et d’autres ambitions, plus légitimes d’ailleurs, vinrent remplacer celle-là.

Un jour arriva où il atteignit une des plus hautes dignités auxquelles un homme politique puisse rêver dans sa vie.

Quand le vote populaire l’eut élevé au poste d’honneur, quand la voix puissante du peuple l’eut élu pour un de