Page:Barry - Chroniques du lundi, 1900.djvu/220

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

N’accuse-t-on pas la belle de cruauté, et, n’est-il pas question de promesses et d’échange de billets doux.

Elle, un peu coquette, je crois, ne veut rien promettre, pour qu’on l’en supplie davantage probablement.

Mes compagnons de route et moi nous nous regardons en souriant et commençons à causer à voix haute pour ne pas troubler cette idylle qui se déroule sous nos yeux.

J’aurais voulu, cependant, donner un conseil à la brune mie, et lui dire de ne jamais jouer avec un cœur loyal et sincère, comme celui que je devinais dans l’œil franc et honnête de l’ardent amoureux…

Le bateau file toujours rapidement.

On passe Caughnawaga aux étroites et basses demeures ; les petits Iroquois, échelonnés sur la rive, agitant leurs bras nus, nous hèlent au passage avec des cris joyeux.

Ombres farouches des grands chefs, votre postérité a bien dégénéré.

Voyez les fils de vos fils saluant le passage des Visages Pâles, sans seulement jeter un œil d’envie sur leurs abondantes chevelures.

Mais voici le rapide fameux, et le bateau s’engage dans les eaux bouillonnantes qui se brisent sur les récifs.

En un clin d’œil, tout le monde est debout pour mieux saisir toute la grandeur du spectacle.

Tout en haut, sur la dunette, quatre hommes, impassibles et muets, les bras raidis sur la barre du gouvernail, dirigent la course du bateau à travers l’étroit chenal.

Songez donc ! un moment d’oubli, une distraction, un rien, peut faire sombrer la frêle embarcation et sa cargaison humaine.

Les vagues écumeuses nous entourent de tous les côtés ; elles bondissent furieuses se ruant contre nous, prises d’une rage folle, comme si elles voulaient nous broyer dans une étreinte suprême.