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le feuillage frémissant jette dans l’air la bonne odeur du printemps et du renouveau.

Tantôt, ce sont des vergers immenses tout couverts de fleurs, ressemblant dans le lointain à d’énormes bouquets de mariée.

Ça et là, sur l’herbe molle où elles s’enfoncent à mi-jambes, des vaches rousses et blanches nous regardent passer avec leur grand œil noir et plein de mélancolie…

Une ivresse bourdonnante s’échappe de toutes choses ; des longs roseaux qui croissent dans les étangs, comme des gracieuses fleurettes de fraisiers, toutes fraîches épanouies et dont la blancheur virginale attire plus particulièrement le regard parmi les autres éclosions sylvestres.

Et j’aurais voulu m’arrêter au milieu d’elles, leur dire comme je les aime, et ma joie de les revoir après ces longs mois de neige et de froidures, mais chaque minute augmentait mon éloignement, et bientôt le paysage, changeant entièrement, ne présenta plus aux yeux qu’une immense nappe d’eau transparente et tranquille où le soleil mirait ses derniers rayons.

L’impressionnante majesté des eaux se communique aux hommes et aux choses. Une douce paix envahit l’âme, et l’esprit, ballotté tout le long du jour sent un calme délicieux s’emparer de lui et le reposer.

Le bateau fend si légèrement les ondes que les gentilles Naïades n’en sont pas troublées dans leurs demeures humides, et continuent à tresser les algues vertes pour en parer leurs chevelures.

Une brise caressante comme un souffle effleure notre figure, nos cheveux, nos mains, et j’imagine qu’elle nous murmure mille mots d’affectueuse bienvenue.

Mais elle est indiscrète aussi, la jolie brise, et le couple non loin de moi semble l’avoir oublié.