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sation ne doit être négligé. L’art de causer séduit encore plus que la beauté qui passe, et, dont on se lasse vite, quand elle n’est pas accompagnée des dons de l’intelligence.

Les auteurs nous parlent beaucoup des avantages physiques de madame Roland, de l’attraction qui se dégageait de sa personne, et qui ont puissamment contribué à l’influence qu’elle exerçait sur son entourage.

Cependant, il semble, en étudiant bien les mémoires de l’époque, que le principal charme de cette remarquable femme résidait, surtout, dans l’expression intelligente et animée que prêtait à sa figure tout l’éclat de sa spirituelle conversation.

M. de Montléon, qui n’est pas un critique sympathique, après avoir parlé de sa physionomie piquante et de son éloquence remarquable, ajoute : « En vérité, elle parlait bien, trop bien. »

La tradition veut même que madame Roland fut petite, chargée d’embonpoint, et ne montrât aucun goût dans sa toilette, mais l’intelligence que reflétaient ses traits, jointe à la douceur et à la sonorité de sa voix, exerçait sur tous ceux qui l’approchaient une véritable fascination.

Elle-même, dans ses mémoires, semble attribuer tous ses mérites à la puissance de sa parole.

Dans un de ces écrits, où elle s’étend assez complaisamment sur de petits détails personnels, elle répète une remarque que Camille Desmoulins avait faite à son sujet :

— Je ne comprends pas, avait dit le célèbre Jacobin, comment une femme de son âge, et dépourvue de beauté, peut se faire autant d’admirateurs.

Et elle ajoute naïvement :

— Il ne m’a jamais entendu parler !