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J’avais même présente à mon esprit l’image de ma sœur, qui pleurait si fort, à la veille de son mariage, en regardant brûler ses billets doux.

— Oui, reprit elle, c’est l’usage. Mais moi, ça m’amusait trop, je les ai gardés. Passe-moi mon petit secrétaire, là, sur ce guéridon… Bien. Tu vas voir les jolies lettres !

Je regardai le mari à la dérobée ; il prenait son journal et se disposait à lire d’un air très résigné, sans souffler mot.

Et, c’est ainsi que nous avons passé la soirée.

Je rendrai cette justice aux admirateurs de Séraphine qu’ils écrivaient bien, très bien même.

Une correspondance surtout m’intéressait particulièrement. Les expressions étaient si heureuses, les phrases si bien choisies, le style si délicat et si tendre à la fois que, renfoncée dans mon fauteuil, je me prenais à souhaiter qu’elles m’eussent été adressées.

Ah ! avec quel soin jaloux, je les aurais défendues contre tout regard indiscret, et, comme je les aurais protégées contre la profanation de les soumettre à une critique indifférente !

À un ou deux passages plus tendres de ces lettres d’amour, j’entendais, dans le coin de la chambre, un bruit de journal qui se froissait. C’est tout ce qui révélait la présence du mari.

La lecture de ces documents durerait probablement encore, si je n’avais dû l’abréger, à cause de l’heure avancée.

Et, pendant que je mettais mon chapeau et mes gants, Séraphine, avec cet air de supériorité que prennent les jeunes femmes vis-à-vis de leurs amies non mariées, parla des nombreux devoirs et des obligations que toute épouse contracte en se mariant.

— Je doute, ajouta-t-elle, qu’avec tes allures indépendantes, tu rendes un mari heureux.