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— Qu’est ce qui vous rend si joyeuse ? lui demandai-je. Ne pourriez-vous m’en faire part ?

— C’est justement ce que je me suis proposée de faire, en vous voyant, et, avec moi, « vous vous hâterez d’en rire, de peur d’être obligée d’en pleurer ».

— Vous m’intriguez, repris je, de quoi s’agit-il donc ? Il n’y a que quatre grands sujets en vogue en ce moment ; le bazar des Pères du St-Sacrement, celui des Sourdes-Muettes, le concert des aveugles, les fêtes d’inauguration du Monument National, et, bien que nous en ayons les oreilles joliment rebattues, je ne vois pas qu’il s’y rencontre rien de particulièrement larmoyant.

— Vous me donnez là des sujets d’intérêt public, ce que je veux vous dire est de nature tout à fait particulière : une petite médisance, en un mot.

J’aurais du, je le suppose, m’élever, dès le début, contre une confidence de ce genre, et, faire un long sermon sur la charité que l’on doit au prochain.

Je ne fis rien de semblable, et, me contentai d’écouter ce que l’on avait à m’apprendre.

Que celle d’entre vous qui n’a jamais péché, me jette la première pierre.

— Je vais vous raconter, ma chère, dit ma jeune amie, une petite scène croquée sur le vif, qui m’a fait faire, depuis hier, un tas de réflexions inimaginables.

Il y a des femmes, poursuivit-elle en s’animant, qui comprennent singulièrement leurs devoirs d’épouse. Pour nous, qui n’appartenons pas à la sainte confrérie, cela nous semble d’autant plus singulier que nous les entendons tout autrement.

N’importe, rien ne m’ôtera de l’idée que lorsqu’on a un bon mari, on doive faire son possible pour le garder tel. L’espèce en est assez rare pour que l’on prenne quelque soin de la conserver.

Mais, ceci n’est qu’une digression…