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À quoi devons-nous un si triste état de choses ?

Au mauvais exemple, que donnèrent les premiers, sans doute, ces malheureux naufragés du désespoir, qui réussirent à se convaincre, qu’au-delà de la vie, on trouve l’oubli de tous les maux.

Cependant, cela ne suffirait pas pour propager le mal d’une manière si effrayante, si les journaux ne s’emparent de ces tristes événements, et n’en répandaient la nouvelle aux quatre coins du pays.

On ne se contente pas du fait brutal : il faut l’accompagner de force détails, de titres flamboyants, pour attirer et fixer l’attention.

Le peuple est généralement friand de ces histoires à sensation, qui donnent le frisson, et hantent le sommeil des nuits. Alors, pour flatter ce goût, s’attirer plus d’abonnés, on ne sait qu’inventer en ces sortes d’histoires, qu’on recueille, avec un empressement extrême, des journaux américains.

Aussi, quand il survient au sein même de notre population un de ces drames sinistres, il est accueilli par la presse en général comme une bonne aubaine.

On s’en empare, on le commente, on le dissèque à plaisir et les lecteurs, avides d’horreurs, en repaissent leurs yeux et leur imagination.

C’est ainsi qu’on familiarise l’esprit avec ces scènes lugubres, qu’on l’habitue, petit à petit, à les considérer comme les événements ordinaires de la vie. Puis, vient le moment, où, sous le coup d’un violent désespoir, la raison un moment obscurcie, vacillante et prête à sombrer, n’aperçoit plus devant elle que ce moyen étrange de mettre fin à une vie devenue à charge.

Et, c’est comme cela qu’on élève la jeune génération, en distillant, goutte à goutte, le poison qui doit produire des résultats si funestes.

On ne peut s’imaginer combien est grande la respon-