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Le bois qui brûle dans l’âtre n’a pas de ces pétillements joyeux, de ces flammes claires et vives qui jettent des reflets si bons sur les intimes causeries…

Elle pressentit toute la tristesse de cette solitude profonde, son cœur se serra. Un petit frisson rose glissa sur ses bras nus, et sa poitrine se souleva dans un long soupir.

— Vous me plaignez ? demanda-t-il.

— Un peu, répondit-elle ; cependant, c’est vous qui l’avez choisie, cette vie-là. Puis, vous n’êtes pas tant à plaindre, continua-t-elle doucement ; il y a sur le chemin de tous, bien de bonnes amitiés qui charment les longueurs de la route… Et, si vous priez, vous voyez à quelle grande famille vous appartenez, quand vous récitez le Notre Père…

— Si je priais, ce serait, en effet, la plus sublime oraison et la seule que je voulusse réciter. Je ne vois pas ce que peuvent contenir de plus simple, de plus touchant, tous ces épais missels que nos dévotes portent à l’église.

Mais, je ne la dis pas, car, au lieu d’être mon salut, ce serait ma condamnation.

— Je ne vous comprends pas, fit la jeune femme.

La singulière conversation dans une salle de bal.

Autour d’eux, tout rayonnait de plaisir. Une griserie de bon aloi s’était emparée de tous les cerveaux. Les causeries interrompues, reprises, puis interrompues encore, étaient brillantes et légères comme des bulles de savon reflétant les couleurs du prisme.

« À demain les affaires sérieuses, » semblaient dire ces jeunes têtes pleines d’effervescence.

Y eut-il jamais de lendemain pour la jeunesse ?

Seul, ce couple, à moitié caché maintenant derrière les épaisses portières, ne riait pas.

— Combien de nous, disait-il, — et remarquez que je ne parle pas de tous ces blasphémateurs et de tous ces