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La branche de lilas dit :

— On m’envoie vers vous toute pleine de parfum des étés en fleurs… Vous souvient-il du jour où l’on cueillit pour vous ma compagne, pour en parer votre corsage ? et ma vue ne vous dit-elle plus rien ? Respirez donc mon parfum troublant, et laissez-moi tout doucement mourir ici, sous vos yeux, contente de mon sort si vous m’avez aimée !…

La bonbonnière chuchote :

— Vous adorez les bonbons, jolie mondaine, et, pour vous être agréable, on nous a envoyés vers vous. Croquez-nous gentiment de vos quenottes blanches… un par jour, pour que nous durions plus longtemps. Nous sommes bien tendres, bien sucrés, et vous verrez de quelles fines jouissances on peut charmer votre palais délicat.

Le bijou :

— Je viens parer votre beauté. Pourtant ces perles ne sont pas plus brillantes que ne le sont vos qualités aimables, et l’or qui les enchâsse est comme votre belle âme, pur de tout alliage. Je ne suis qu’un hommage rendu à vos vertus, un pâle rayon de plus à votre brillant diadème…

Il n’y a pas jusqu’au carton glacé de la modeste carte de visite qui ne tienne souvent un doux langage :

— La distance, dit-il n’a pas permis à votre ami de venir jusqu’à vous, mais je résume tout ce que vous vous seriez raconté dans une longue causerie : les vœux sincères, les bons souhaits, le renouvellement d’une vieille amitié dans le contrat d’une amitié pour l’avenir.

La petite pendule désire ne sonner que des heures joyeuses ; le livre vous promet d’être un compagnon fidèle aux jours de solitude ; la petite écritoire parle de confidences, de billets parfumés…

Ainsi donc, vous aviez tort, monsieur le chroniqueur, les cadeaux ne sont ni muets, ni méchants.