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leure, j’en ai la ferme espérance, je voudrais m’endormir de mon long sommeil, avec les dernières lueurs du soleil couchant, quand, sous mes fenêtres ouvertes, la brise embaumée du soir passerait comme un bruit de prières…

Le rossignol viendrait peut-être, attiré par l’éclat des cierges, chanter sur l’arbre voisin ses sérénades mélancoliques, et les étoiles veilleraient pour moi toute cette nuit, ma première nuit parmi les morts…

Puis, quand à l’église, on aurait chanté les doux chants de la mort, on m’amènerait, un clair matin de printemps, à travers les champs en fleurs, me coucher dans ma tombe creusée sous le gazon verdoyant, en face de la mer que j’aime tant.

Non, pas de large pierre tumulaire, pas de caveau sombre pour empêcher la lumière de pénétrer jusqu’à moi et de réchauffer ma triste demeure ; rien qu’une petite croix blanche, au pied de laquelle, paisible et confiante, je goûterais l’éternel repos.


Lundi, 23 octobre.

Je revenais, hier, par la rue Ste-Catherine, et, passant près de la petite église de Notre-Dame de Lourdes, j’aperçus une femme assise sur les marches, dans l’attitude de la plus profonde douleur.

D’habitude on voit, à cet endroit, une ou deux bonnes vieilles, qui, égrenant leur chapelait d’une main, tendent l’autre au passant.

Évidemment, celle qui attirait mon attention, en ce moment, n’appartenait pas à la catégorie des quémandeuses ordinaires.

Ses habits étaient pauvres, sans doute, sa robe rapiécée et son châle de laine usé la défendaient mal contre la bise d’octobre, mais il y avait dans toute sa personne un air de dignité, ne ressemblant en rien à cette attitude d’humble servilité qui caractérise les mendiants de profession.