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longues contemplations des horizons vastes et de ces scènes pittoresques, qui vous reposent l’esprit et vous délectent le cœur.

J’ai eu douze heures de ce repos charmant, tout un jour, marqué d’une pierre blanche dans l’urne antique, passé dans les délices d’une agréable campagne dont les bords se baignent sans cesse dans de grandes eaux.

Vous n’imaginez pas aisément d’endroit plus joli, plus tranquille. Une véritable Thébaïde dont les anachorètes d’antan volontiers eussent fait leur retraite.

Quelques maisonnettes, dispersées ici et là, toutes blanches avec de vertes persiennes et leurs pignons triangulaires.

Rien de l’apparat des contrées renommées, visitées par la foule bruyante des touristes ; tout y est d’un simple, d’un primitif que je n’aurais jamais cru rencontrer hors des villages perdus de nos basses Laurentides.

Non, rien ne saurait exprimer toutes les délices intimes dont je me suis abreuvée pendant mon court séjour chez ma vieille amie.

Figurez-vous un cottage frais et pimpant au milieu d’un verger, des bancs, des sièges rustiques sous les plus touffus ombrages, des oiseaux dans les nids et des parfums dans l’air. Une petite haie de rosiers sauvages, toute basse, où les roses cachent encore les épines, sépare le verger du jardin. Là, point de ces plantes exotiques frêles et délicates qui s’acclimatent si difficilement sous notre ciel : ce sont des marguerites au cœur d’or, des pensées éclatantes et sombres, des capucines brillantes, des tourne-sols non épanouis, et une odorante mignonnette dont la signification est la seule du langage des fleurs que je n’aie jamais oubliée.

Et qui pourrait peindre la fraîcheur, la pureté de cet intérieur paisible et rustique. Les murs en sont blancs, les meubles pleins de simplicité et d’élégance. Ça et là, sur le parquet, des nattes sont jetées, laissant à découvert un plancher d’une propreté exquise et reluisant comme de l’ambre fin.