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Lundi, 21 novembre.

Le ciel est plus noir, le vent plus âpre, la terre plus désolée… Au grand cadran des âges, lugubre et sombre apparition, un autre mois vient d’apparaître… C’est novembre et ses froidures, novembre et ses douleurs, novembre, le triste mois des morts.

Tous ceux qui nous ont laissés, à l’heure des adieux suprêmes, tous ceux qui s’en sont allés dormir au grand dortoir reviennent en ce jour où nous pleurons la fête des morts, nos pauvres morts.

Nous les heurtons à chaque pas, nous sentons leurs ombres chères se projeter sur notre chemin, mais c’est en vain que nos bras ouverts voudraient les enlacer, que nos cœurs les appellent et les crient, rien désormais ne saura plus nous rendre nos morts, nos pauvres morts.

Qui ne pleure, ici-bas, ces départs sans retour ? Hélas ! partout, des enfants redemandent un père, des époux une compagne fidèle, et plus d’un chaste amour vit encore dans la tombe des morts, nos pauvres morts.

Que font-ils là-bas dans leur demeure dernière ? Dans leur couche étroite et dure, leurs corps frissonnent-ils sous le flageller du gel ? Leurs âmes, sœurs des nôtres, nous comprennent-elles toujours ?… Seule, la brise pénétrante répond à nos prières et chante doucement son éternel requiem, aux morts, nos pauvres morts.

Oh ! le rude chemin, où les jalons sont les tombes des morts, nos pauvres morts !

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

La nuit déploie ses larges tentures d’endeuillement… les bruits de la ville s’en vont s’affaiblissant dans la distance, et sur les hommes et sur les choses, un grand silence se fait solennel et troublant…

Soudain, une voix s’élève dans les airs, déchirante comme une plainte, triste comme un sanglot. On