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— Traversons, me dit-elle.

— Pourquoi ? demandai-je assez interloquée de cette détermination subite.

— Vous voyez cette échelle !

— Oui, mais elle n’obstrue en rien notre passage. Le trottoir est entièrement dégagé et nous pouvons passer. dessous sans encombre.

— Dessous ? reprit-elle, jamais de la vie ! Vous ne savez donc pas ?

— Non. Qu’est-ce ?

— Quand on passe sous une échelle, répondit d’un ton tragique mon interlocutrice, cela veut dire sept ans sans se marier….

Nous avons traversé de l’autre côté de la rue.


Lundi, 29 mai.

J’ai fait la nuit dernière un singulier rêve qui a fait revivre bien des souvenirs endormis dans un coin de ma mémoire.

J’avais reçu, la veille, une longue lettre d’une amie de Québec, me racontant avec force détails le commencement d’incendie qui vient d’avoir lieu à la chapelle extérieure des Ursulines, et il faut croire que j’en ai fait la lecture à une heure du jour où les impressions laissent une trace très profonde, puisque de nouveau, cette scène s’est reproduite dans mon sommeil, et, cette fois, plus terrible encore.

L’incendie était à son comble ; il me semblait entendre le crépitement sinistre des flammes ; des torrents de fumée s’échappaient en tourbillons ; des jets de clartés vives et claires s’élançaient dans les airs, projetant des lueurs terribles dans un firmament chargé de nuages sombres.

Émue et glacée de terreur je regardais, du fond du grand jardin où j’étais réfugiée, cette scène d’une majesté indescriptible, quand je me sentis heurtée par quel-