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Ça fera une femme d’affaires, ou je m’y connais peu.

— À quoi s’occupe-t-elle tout le long du jour ? fis-je, reprenant mon interrogatoire.

— Voyez-vous, c’est pas une enfant qui aimait à jouer comme les autres enfants, elle a jamais été ricaneuse et à c’te heure, elle ne s’occupe que de ses malades.

Mais pour le moment, une paire de souliers, cuir au naturel, que son père lui avait achetée le jour même, occupait toute son attention. Elle les ôtait et les remettait sans plus se soucier de notre présence.

— Mouman, j’aime pas des souliers jaunes comme ça, moi. Poupa m’a dit qu’il les ferait noircir.

— C’est bon, ma petite fille, tu t’arrangeras avec ton père…

— Je veux les faire noircir tout de suite, insistait l’enfant…

Pour le coup, nous en avions assez. D’un commun accord, nous nous levâmes pour prendre congé de l’enfant-prodige dont les aspirations ne convenaient guère, à notre avis, à la position surélevée qu’elle occupe dans le monde des merveilles.

Sur le palier, nous avons croisé un grand dadais de garçon, avec un œil à Paris et l’autre à Versailles, qui venait les faire mettre d’accord pour quand il lui plairait de faire des yeux doux.

Si quelqu’un s’intéresse à la santé de Mademoiselle Constance R… qu’il sache qu’il lui est impossible de digérer la seule mention de son voyage à Ste-Cunégonde.

Moi, je ne suis pas si ingrate. Je reconnais en toute sincérité, avoir été bel et bien guérie… de ma curiosité.