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On enseigne le latin dans les académies et les collèges de jeunes filles anglaises, et Dieu sait pourtant si les Anglais sont gens pratiques qui n’aiment généralement pas à perdre leur temps à des niaiseries.

Quand Eno, le fameux banquier américain, vint, il y a quelques années, se fixer à Québec, il donna comme institutrice à ses jeunes enfants une personne très accomplie, très instruite, qui avait fait son cours d’études aux Ursulines de Québec.

Mais, dans le programme des différentes branches à enseigner aux jeunes Eno, se trouvait le latin ; l’institutrice dut avouer qu’elle l’ignorait complètement, et au grand regret de cette dernière, on donna un professeur aux enfants et les appointements de l’institutrice en furent considérablement diminués.

À New York, la même chose se répéta pour deux ou trois canadiennes obligées, par des revers de fortune, de s’expatrier et d’aller gagner honorablement leur vie à l’étranger.

Dans une maison de millionnaire où la bonne étoile de l’une d’elles l’avait conduite, on offrait deux cents dollars par mois, — toute une fortune, quoi ! — à la jeune gouvernante pourvu qu’elle joignit à l’enseignement du français celui du latin.

Et remarquez qu’on n’exigeait pas un cours suivi, rien que des éléments, de simples notions qui prépareraient ces bambins de dix ou douze ans à une étude complète, plus tard, avec des professeurs compétents.

La pauvre canadienne dût refuser cette goutte du Pactole qui lui était offerte, et c’est toute sa vie qu’elle déplorera cette lacune dans notre système d’enseignement.

Par contre, une jeune anglaise d’Ontario obtint, séance tenante, une position enviée dans la direction d’un magazine très influent de la grande métropole américaine, grâce à ses fortes notions sur la langue que les philologues chérissent par-dessus tout et qu’ils ont dénommée « la langue intéressante. »