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Il arrive donc, ainsi, qu’on réussisse à se faire croire qu’on fait des sacrifices, tandis, qu’en réalité, on se sert de ce grand mot pour suivre plus facilement ses propres inclinations.

Eh ! quel peuple nous sommes, aujourd’hui, que le jeûne et les privations nous effraient tant.

Les anciens Canadiens, eux, faisaient une quarantaine autrement rigoureuse que la nôtre ; pas même une bouchée de pain à se mettre sous la dent, avant de partir, le matin, pour leurs rudes labeurs.

Tout le monde jeûnait, jusqu’aux enfants qu’on privait un peu sur la nourriture. Et non satisfait de ce retranchements extraordinaires, Jean-Baptiste faisait encore le sacrifice de sa pipe qu’il plaçait bien en vue, sur le haut de l’horloge, pour aggraver la pénitence, et ne la reprenait qu’à Pâques.

Josette, non plus, ne restait pas en arrière, — quelle femme le fut jamais quand il s’agit de sacrifice ? — et, la tabatière allait rejoindre la pipe, ou les colifichets se serraient soigneusement dans les grandes armoires.

Quelque invétéré que fût un ivrogne, jamais, il ne se serait permis de « rompre son jeûne » par l’ivresse ; je ne dis pas que cela le corrigeait, mais au moins, on pouvait compter sur cette « trêve de Dieu » pendant l’année.

Voilà la bonne manière d’entendre la pénitence et les mortifications. Ainsi, le meilleur jeûne pour les mauvaises langues serait de ne pas parler mal de leur prochain, pour les usuriers, de prêter sans intérêt, pour les avares, de faire l’aumône, pour les maris de ne pas aller au club, ou de se rendre agréables à la maison, pour les femmes, de racommoder le linge de leurs maris et de moins penser à la toilette.

Quant aux jeunes filles, elles devraient apprendre à faire la cuisine et à lire des livres sérieux. Les jeunes gens, eux, que leur recommander ?…

Ma foi, il y a tant de réformes à opérer qu’on ne sait vraiment pas par où commencer.