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Lundi, 20 février.

À l’occasion de la sainte quarantaine, les jolies mondaines, celles à qui de trop délicates constitutions défendent le jeûne, ont cru à propos, pour apaiser la révolte de leur conscience, de s’imposer une mortification particulière.

Celle-ci a fait la promesse de ne pas manger de bonbons, celle-là de ne lire aucun roman, ou de ne pas aller au théâtre de toute la station quadragésimale.

Rira qui voudra, mais si l’on tient ces promesses, il y aura plus qu’un certain mérite.

D’autres choisissent un genre de pénitence, qui, à mon humble avis, ne semble pas aussi méritoire.

C’est ainsi que j’entendais deux jeunes dames annoncer, avec un petit air de martyr, qu’elles avaient résolu, pendant le carême, d’aller à la grand’messe, tous les dimanches, au Gésu.

Si quelqu’un peut m’aider à découvrir dans cette héroïque résolution, un esprit de renoncement quelconque, je lui en serai bien reconnaissant.

Depuis quand est-ce une pénitence d’aller au Gésu, de toutes les églises, la plus fashionable, la plus jolie et dont la musique d’orchestre ne serait pas repoussée par le Grand-Opéra ?

Ce n’est pas à coup sûr pour la distance. La rue St-Denis n’est pas loin de la rue Bleury, et, je ne crois pas que, pour si peu, on mette des pois dans ses élégantes bottines, ni sa plus vilaine toilette, ni son chapeau de l’an passé sur la tête.

Bonté divine ! comment on se fait illusion, comme on se donne facilement le change !

N’avez-vous pas remarqué qu’une personne en colère appellera ses emportements : des énergiques protestations ; une autre qualifiera un entêtement de mulet du nom de : fermeté ; et, telle, pour se donner le privilège de se fourrer le nez dans les affaires des autres, dira : c’est mon devoir.