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mes sur une terre de liberté, chacun ne peut-il pas agir à sa guise ?

Le Grand Maître, lui-même, n’a-t-il-pas laissé à ses créatures leur libre arbitre, et, si peu intéressants que soient les célibataires, n’y ont-ils pas droit tout comme les autres ?

Non seulement le bien, mais le mal aussi leur est accessible, et, tant pis pour eux s’ils ne savent pas mieux choisir ; ils en seront bien punis, laissez faire, par l’abandon où les laissera la vieillesse.

Des vieux célibataires, de leurs défauts, de leurs caprices, de leur égoïsme on en dit « pis que pendre, » alors, pourquoi vouloir unir leur détestable sort à celui d’une petite femme, bien douce, bien bonne, que l’on rendrait malheureuse jusqu’à la fin du chapitre.

Cette considération empêche même, j’en suis sûre, beaucoup de mariages ; ne se sentant pas d’aptitude à faire le bonheur d’une femme, quelques-uns de ces incorrigibles, font généreusement le sacrifice de se passer d’un souffre-douleur. Le beau sexe, au moins, devrait leur être reconnaissant de ce reste d’égard.

Il est assez amusant — pour ceux qui n’y sont point intéressés, naturellement, — de suivre les détails de cette petite guerre allumée contre cette intéressante partie du genre humain.

Aussi, jugez si ce sentiment d’animosité est général :

J’ai lu quelque part, que, dans une des contrées peu civilisées, dont le nom m’a échappé tout à l’heure, on brûlait vifs ceux qui, après un nombre d’années déterminé, ne s’étaient pas encore décidés à prendre femme. Pauvres hommes ! c’est bien le cas de dire qu’ils se trouvent pris entre deux feux.

Sans aller jusque dans les îles océaniques, chez nous, aux États-Unis même, n’a-t-on pas parlé de leur appliquer la loi du lynch et de les pendre haut et court ? Dans Ontario, on a proposé d’imposer aux célibataires une taxe spéciale, et, voilà que cet exemple menace d’être suivi dans la province de Québec.