Page:Barry - Chroniques du lundi, 1900.djvu/113

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Lundi, 9 janvier.

Rien qu’un mot aujourd’hui, je suis pressée, pressée.

Pressée par qui ? par quoi ?

Cela, je n’en sais rien, mais je n’ai pas plutôt une feuille de papier devant moi que je veux marcher, sortir, aller je ne sais où, flâner en un mot.

Voyez-vous, c’est encore le temps des fêtes et je me ressens de l’effervescence générale. L’atmosphère est si pure, si saine, il y a tant d’oxygène dans l’air, que la bise, en vermillonnant vos joues, vous souffle des idées joyeuses plein la tête, dilate le cœur comme quand on se sent si heureux qu’on ne sait pas quoi faire de son bonheur.

Cela n’arrive pas souvent dans la vie, ces états d’âme-là, tout de même cela se voit de temps en temps.

Mais, j’y pense, je ne vous ai pas encore fait mes souhaits de bonne année. Hélas ! il semble trop tard pour y songer.

L’année a déjà neuf jours, c’est presque une vieillie fille et comme elle est très honnête on en parle peu.

Le temps des accolades et des « bonne heureuse » est passé. Il reste encore, pour les jeunes gens retardataires, la pénible nécessité de remplir la liste de leurs visites. En voilà ce qui s’appelle un souvenir du premier de l’an !

Les maris cherchent à se récupérer de leurs dépenses, car leurs bourses ont subi de fameux assauts dans le temps des étrennes. Et les femmes !

Voyons, il ne faut pas dire qu’elles n’ont rien dépensé pour leur seigneur. Combien qui ont économisé dans l’achat de colifichets, sur une potiche dispendieuse, pour lui procurer la surprise de nouveaux boutons de manchettes, ou d’une épingle pour le nœud de la cravate.

Aussi, vous voyez que les sacrifices ne sont pas d’un seul côté.

À en juger encore par le nombre de femmes que j’ai vues dans les bureaux de tabac, la veille du jour de l’an,