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joug que font peser sur nous, avec tant de dureté, ceux qui se disent nos maîtres ? La justice est-elle sourde aussi bien qu’aveugle ? Sourde à nos gémissements quand nous cherchons en vain à secouer cette tyrannie qui nous oppresse.

«  Pourquoi fait-on si souvent de la compagne de l’homme, de celle qui devrait être l’appui, le soutien, la consolatrice de sa vie, son esclave la plus vile ? La mère de ces puissants seigneurs, de ces fiers potentats, de ces vaillants guerriers doit-elle être achetée et vendue comme les bêtes de l’amphithéâtre ?

« Et parce que nous, femmes romaines, ne sommes plus gardées en troupeaux comme nos sœurs d’outremer, en sommes-nous beaucoup plus heureuses !

« Et, pourtant, n’avons-nous pas des cœurs pour aimer ? dites, ne sont-ils pas sympathiques, aimants, et fidèles ? ne souffrent-ils pas avec ceux qui souffrent ?

« N’avons-nous pas aussi nos aspirations vers ce qui est noble et grand, et, croit-on nos âmes sans force et sans courage parce que nos bras sont faibles ?

« Mais, qu’importe à ces orgueilleux despotes que nous servions de jouet à leurs passions inconstantes, caressées aujourd’hui, délaissées demain… Ah ! non, le destin ne saurait être si cruel, oh ! dites-le moi petits oiseaux dorés du ciel, si vous pouvez parler ! »

Elle écoutait encore, la jeune fille, quand, soudain, de l’Orient, une étoile lumineuse, brillante comme un météore, vint resplendir à ses yeux éblouis et sembla lui parler à travers l’espace un langage mystérieux que l’âme saisit plutôt que les oreilles ne l’entendent :

« Pourquoi pleurer, ô jeune fille, quand la première aube doit précéder le jour du triomphe ? Un vaillant champion, le défenseur de tes droits, régénérateur de ta race, naîtra cette nuit et son avènement te trouverait tout en pleurs ?