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Conspiration des Sophistes

prendre , en voyant les adeptes solliciter plus d’une fois le retour des protestans en France : mais alors même que Voltaire écrivoit aux adeptes combien il regrettoit que la demande de ce retour des Calvinistes, faite par le ministre Choiseul, eût été rejetée ; alors même, crainte que les adeptes n’imaginassent qu’il épargnoit les Huguenots plus que les Catholiques, il se hâtoit d’ajouter que les Huguenots ou les Calvinistes n’étoient pas moins fous que les Sorboniqueurs ou les Catholiques ; qu’ils étoient même des fous à lier. ( Lett. à Marmont, 2 Décembre 1767. ) Quelquefois même il ne voyoit rien de plus atrabilaire et de plus féroce que les Huguenots. ( Lett. au Marquis d’Argens de Dirac, 2 Mars 1763.)

Tout ce prétendu zèle des conjurés pour calviniser la France, n’étoit même dès-lors inspiré que par l’espoir d’aller un jour plus vite ; c’étoit un premier pas à faire pour la déchristianiser. La gradation de leur marche est sensible dans ces mots de d’Alembert à Voltaire ; « pour moi qui vois tout en ce moment couleur de rose, je vois d’ici la tolérance s’établir, les Protestans rappelés, les prêtres mariés, la confession abolie, et le fanatisme écrasé, sans qu’on s’en apperçoive. » ( 4 Mai 1762. ) Ce mot de fanatisme s’entend dans la bouche de d’Alembert ; il dit la même chose que celui d’infame dans la même lettre ; il dit le Christ et toute sa religion écrasée.

Une exception que Voltaire faisoit quelquefois auroit laissé au Christ quelques adorateurs dans la plus vile populace. On croiroit qu’il étoit peu jaloux de cette conquête, lorsqu’il mandoit à d’Alembert : « Damilaville doit être bien content, et vous aussi, du mépris où l’infame (la religion du Christ) est tombé chez tous les honnêtes gens de l’Europe. C’étoit tout et qu’on voulait, et tout ce qui