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Conspiration des Sophistes

nous le verrons approuver et chercher à répandre comme les plus propres à écraser l’infame, sont encore précisément tous ceux qui tendent le plus directement à effacer dans l’esprit du peuple tout respect pour la religion ; c’est que toutes les preuves qu’il allégue de son zèle contre l’infame, et des progrès que font les conjurés, n’annoncent jamais que son ardeur à seconder les efforts de Voltaire, ou ses regrets de ne pouvoir parler aussi librement que Voltaire contre le christianisme. Ses expressions et le nombre de ses lettres que nous aurons à citer, ne laisseront pas plus de doute sur cet objet, que celles de Voltaire et de Frédéric. (Voy. lettres de d’Alemb. 100, 102, 151.)

Étendue de la conjurationLes autres adeptes n’entendirent pas autrement eux-mêmes ce mot du guet. Au lieu du serment d’écraser l’infame, Condorcet met nettement dans la bouche de Voltaire le serment d’écraser le Christianisme (vie de Voltaire), et Mercier celui d’écraser Jesus-Christ. (Lett. de Mercier, N.° 60, de M. Pelletier.)

Dans l’intention des conjurés, il n’étoit pas trop fort, ce mot d’écraser le Christ et sa religion. L’étendue qu’ils donnoient à leurs complots ne devoit pas laisser sur la terre les moindres vestiges de son culte. Ils faisoient aux catholiques l’honneur de les haïr plus que tout le reste des chrétiens ; mais toutes les églises de Luther, de Calvin, celles du Genevois, celles de l’Anglican ; toutes celles enfin qui, dans leur séparation de Rome, ont conservé au moins l’article de sa foi au Dieu du Christianisme, toutes étoient comprises dans la conspiration, comme Rome elle-même.

Tout l’Évangile de Calvin n’étoit pour Voltaire que les sottises de Jean Chauvin. (Lett. à Damila. 18 août 1766.) C’étoit de ces sottises qu’il se félicitoit d’avoir spécialement délivré Genève, quand il mandoit à d’Alembert, que