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Conspiration des Sophistes

parler françois, dites simple) ; je sais que je suis un animal organisé et qui pense ; d’où je conclus que la matière peut penser, ainsi qu’elle a la propriété d’être électrique. » (Lettre du 4 Décembre 1775.)

Plus près de sa tombe encore, et toujours pour inspirer sa confiance à Voltaire, il lui écrivoit de nouveau : « La goutte s’est promenée successivement dans tout mon corps. Il faut bien que notre frêle machine soit détruite par le temps qui absorbe tout. Mes fondemens sont déjà sapés ; mais tout cela ne m’embarrasse guères. » (Lettre du 8 Avril 1776)

Le quatrième héros de la conspiration, le fameux Diderot, étoit précisément celui dont les décisions contre Dieu paroissoient à d’Alembert trop fermes et drop dogmatiques. Diderot en revanche avoit bien des momens où, dans le même ouvrage, après avoir tranché contre les Déistes, il n’en tranchoit pas moins, tantôt en faveur des Sceptiques ou de l’Athée, tantôt contre l’Athée et contre le Sceptique. Mais, soit qu’il écrivit pour Dieu ou contre Dieu, Diderot paroissoit ignorer ces troubles et ces inquiétudes. Il écrivoit franchement ce qu’il pensoit, au jour et au moment où il tenoit la plume, soit lorsqu’il écrasoit les Athées du poids de l’univers, et que l’œil d’un ciron, l’aile d’un papillon’suffisoient pour les battre (Voy. ses pensées philosophiques, N.° 20) ; soit quand tout ce spectacle, ne le menoit pas même à l’idée de quelque chose de divin (Code de la nature), et que cet univers n’étoit qu’un résultat fortuit du mouvement et de la matière (Pensées philos. N.° 21) ; soit lorsqu’il ne falloit rien assurer sur Dieu, et que le Scepticisme en tout temps, en tout lieu, pouvoit seul se garantir des deux excès opposés (idem, N.° 33) ; soit lorsqu’il prioit Dieu pour les Sceptiques, parce qu’il les voyoit tous manquer de lumières (idem,