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de l’Impiété. Chap. I.

trop dogmatique, et je ne vois en cette matière que le Scepticisme de raisonnable. Qu’en savons-nous, est pour moi la réponse à presque toutes les questions métaphysiques ; et la réflexion qu’il faut y joindre, c’est, puisque nous n’en savons rien, qu’il ne nous importe pas sans doute d’en savoir davantage. » (Lettre 36, an. 1770.)

Cette réflexion sur le peu d’importance de toutes ces questions, étoit ajoutée de peur que, tourmenté par ses inquiétudes, Voltaire ne s’arrachât à un philosophisme incapable de résoudre ses doutes sur des objets qu’il ne s’accoutumoit pas à regarder comme indifférens pour le bonheur de l’homme. Il insista, et d’Alembert aussi ; mais ce fut pour lui dire encore que « non en métaphysique ne lui paroissoit guères plus sage que oui, et que le non liquet (ou cela n’est pas clair) est la seule réponse raisonnable presqu’à tout. » ( Lettre 38, ibid.)

Frédéric n’aimoit pas les doutes plus que Voltaire ; mais à force de vouloir s’en délivrer, il crut y avoir réussi. « Un philosophe de ma connoissance, répondit-il, homme assez déterminé dans ses sentimens, croit que nous avons assez de degrés de probabilité pour arriver à la certitude que post mortem nihil est (ou bien que la mort n’est qu’un sommeil éternel) ; il prétend que l’homme n’est pas double, que nous ne sommes que la matière animée par le mouvement : cet étrange homme dit qu’il n’y a aucune relation entre les animaux et l’intelligence suprême. » (Lettre du 30 octobre 1770.)

Ce philosophe si déterminé, cet homme si étrange, c’étoit Frédéric même. Il ne s’en cacha plus, et il écrivit d’un ton plus déterminé encore quelques années après : « Je suis très-certain que je ne suis pas double, de là je ne me considère que comme un être unique (pour