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de l’Impiété. Chap. I.

Voltaire n’avoit jamais rien dit de plus vrai. Ni lui, ni Frédéric ne furent philosophes dans le sens qui devoit rester attaché à ce mot ; mais l’un et l’autre le furent au suprême degré, dans le sens que les conjurés y attachoient ; dans celui d’une raison impie, dont la haine du christianisme est toute la vertu.

Ce fut à la suite de cette dernière lettre que Voltaire quitta furtivement la cour de son disciple, et reçut à Francfort ce traitement despotique, qui fit alors de lui la risée de l’Europe. Pour oublier l’outrage, il n’eut besoin que du temps qu’il lui falloit pour s’établir à Ferney. Frédéric et Voltaire ne se revirent plus ; mais le premier n’en redevint pas moins le Salomon du Nord, et Voltaire en revanche n’en fut pas moins pour lui le premier philosophe de l’univers. Sans s’aimer davantage, ils furent de nouveau unis pour toujours par la haine du Christ, qui n’avoit pas cessé de leur être commune. La trame du complot n’en fut ourdie qu’avec moins d’obstacles, et conduite avec plus d’intelligence, par le moyen de leur correspondance.

Quant à Diderot, il vola de lui-même au-devant des conjurésDiderot.. Une tête emphatique, un enthousiasme de pythonisse pour ce philosophisme dont Voltaire avoit donné le ton, un désordre dans ses idées pareil à celui du chaos, et d’autant plus sensible, que sa langue et sa plume suivoient tous les élans et toutes les secousses de son cerveau, le montrèrent à d’Alembert comme un homme essentiel à l’objet de la conspiration. Il se l’associa pour lui faire ou laisser dire tout ce qu’il n’osoit pas dire lui-même. L’un et l’autre furent jusqu’à la mort toujours intimement unis à Voltaire, comme Voltaire le fut à Frédéric.

Si leur sermentIncertitude et diversité des de détruire la religion chrétienne avoit renfermé celui d’y substituer une religion, une école quelconque, il étoit difficile