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qui était la fille assez bien faite d’un aubergiste. Nous dînâmes tous ensemble, ses parents et nous trois. Le dîner fini, nous allâmes nous promener pendant une bonne heure et demie. En rentrant dans ladite auberge, j’aperçus plusieurs militaires qui caressaient de très près la fille de la maison. J’en fis l’observation à mon frère et à mon ami. Nous bûmes quelques bouteilles de vin et nous entrâmes en conversation l’un avec l’autre groupe : nous parlâmes de la partie militaire. J’étais en bourgeois, mais j’avais cependant une culotte de drap bleu d’Elbeuf. Plusieurs contestations s’élevèrent entre nous. Ils étaient cinq ensemble. Ils me firent beaucoup d’honneur ; ils me prirent pour un mouchard et me dirent que je n’avais pas l’air d’un militaire. Cette insulte me parut très forte. Je leur dis : Messieurs, vous vous trompez et sûrement vous me prenez pour un autre. Ils m’invectivèrent encore derechef. Je perdis enfin patience et me voilà à leur en dire, mais des belles et de la bonne manière : qu’il était très heureux pour eux que je n’eusse pas mon épée ; que, s’ils voulaient m’en procurer une j’allais leur faire voir qui j’étais. Ils me répondirent à cela que les mouchards se déguisaient de toutes les manières et tiraient l’épée aussi. Je sortis et je fus chez le fourbisseur