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toutes mes forces et que, si je les avais eues, j’aurais déserté, afin de me soustraire au fatal jugement. Plus j’y réfléchissais, plus je diminuais mes forces. Le major, l’aumônier et plusieurs officiers se joignirent ensemble à la marquise de mon capitaine, et ils obtinrent de lui que je ferais six mois de cachot. Mon ami, qui avait entendu leur conversation, vint m’avertir et me dit : « Tu as ta grâce ! tu ne passeras pas au conseil… » Je tombai faible ; l’on me fit boire un peu d’eau et après quelques minutes je revins à moi. J’embrassai de joie mon maître d’armes, car ce fut lui qui m’annonça cette nouvelle.

On leva le camp et nous eûmes pour garnison Saint-Servan-Saint-Malo. On me mit en prison à la tour du Solidor, prison qui existe encore actuellement. Notre garnison ne fut pas longue à trouver, car il n’y a qu’une lieue de Paramé à Saint-Servan. Je fis la route, comme tous les prisonniers militaires, à la tête de la garde, l’habit retourné et la crosse du fusil en l’air. J’étais fort content de cette punition.

Au bout de quinze jours, mon capitaine se trouva de visite de prison et il vint dans le cachot où j’étais. Il me vit étendu sur la paille et tout seul : c’était l’ordre de ce maudit sergent-major. Le ca-