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Il avait remporté plusieurs fois des prix pour sa bonne prononciation et le zèle qu’il mettait à son service. Il m’estimait beaucoup. De temps en temps, quand il était de bonne humeur, nous raisonnions ensemble sur l’art militaire ; mais ce qu’il avait de désagréable pour moi, c’est qu’il voulait toujours avoir raison ; cela me mettait dans des colères fortes et il fallait, comme on se l’imagine bien, que je m’en aille.

Enfin, il vint me voir et m’interroger à la garde du camp. Il me fit délier et commença par me dire : « Est-il bien vrai que tu as manqué à ton capitaine aussi grossièrement ? » Je lui répondis que de telle manière qu’on eût fait le rapport, il était impossible que l’on eût écrit tout ce que je lui avais dit, que ce n’était malheureusement que trop vrai. En fin de plusieurs remontrances qui m’outraient considérablement, je lui dis : Mon major, je n’ai de ressource qu’en vous ; dites à mon capitaine qu’il peut me perdre s’il le veut. Je suis repentant. Il peut me faire finir mon congé dans un cachot, mais je le prie de ne pas demander un conseil de guerre. — « Va, me dit le major, tu n’y passeras pas, ou j’y perdrai mes épaulettes. » Et il me reconduisit à la tente avec ordre de ne pas m’attacher. J’avoue que cette scène m’avait ôté