l’instant si en colère que je lui dis : « Vous passez pour le plus juste du régiment, mais en ce moment-ci ceux qui le disent ne vous connaissent pas comme moi. » Il tira alors son épée ; je lui dis que je me foutais de son épée comme de lui, qu’il était indigne d’être mon capitaine, qu’il avait une croix de Saint-Louis qu’il n’avait pas gagnée, qu’il l’avait volée. Il voulut me conduire à la grand’garde, je ne voulus jamais y aller. Il me donna plusieurs coups en me poussant, je lui en ripostai d’autres : enfin notre combat dura près d’un quart d’heure. Il passa alors un sergent de la compagnie : ce fut à ce dernier que je me rendis.
Le sergent me conduisit à la garde du camp. Sitôt arrivé, on m’attacha, les mains derrière le dos, à un piquet de tente ; on mit une sentinelle de plus, avec ordre de faire feu sur moi si je voulais m’évader. Ce fut après quelques heures de réflexions que je m’aperçus que j’avais manqué grossièrement à mon capitaine et que les ordonnances du roi étaient très sévères à ce sujet.
Je ne pouvais me consoler et je me disais : D’après les ordonnances, tu seras pendu. Je passai la nuit à de pareilles réflexions et j’avoue que c’était bien fait pour effrayer. Ce n’était pas la