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que j’étais dans le service, être tué ou blessé plutôt que de passer pour un lâche. Ma réponse fit plaisir au sergent-major : « Allez-vous-en, me dit-il, et que cela ne vous arrive plus. »

Me voilà exempt du maudit cachot. Le jour même, le bruit s’était répandu que l’on avait porté un soldat de la compagnie de Dutrémoy à l’hôpital. (Alors le doublement était fait et Dutrémoy était le nom du capitaine, et Jumécourt le commandant en second.) Ce premier coup d’essai me donna une certaine hardiesse, et j’entendais que l’on disait en parlant de moi : « Tiens, le voilà, celui qui a mis la Giroflée à l’hôpital ! » Il est bon que l’on sache que celui-ci avait douze ans de service, et moi je n’avais alors que six mois de présence.

Un mois après je tombai de garde à un poste qu’on appelait le fort Mardic. Nous nous amusions à jouer de gros sols au liard, le plus près gagnant, avec un nommé Malfilâtre qui était Normand. Nous disputâmes sur un liard, et après avoir bien mesuré, le liard m’appartenait. Il le ramassa. Je me mis en colère et je lui vomis des injures : tout le monde sait ce qu’un soldat peut dire en injures. Le caporal vint aussitôt et nous fit prendre à tous deux nos fusils et il nous