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Nous voilà partis. Il faisait clair de lune. Quand nous fûmes au bord du rempart, il se déshabilla et moi aussi. Je fis comme lui, j’entortillai mon poignet avec mon mouchoir. C’était la première fois que je me battais avec du fer, en exceptant le temps où j’étais écolier. Après plusieurs minutes de combat, je le serrai de près et je lui portai un coup sur le sein. Il tomba par terre et moi je me mis à dire : Ah mon Dieu, il est mort !

Je repris vite mon habit et je me rendis à la caserne à toutes jambes. Je me mis dans le lit très doucement et je fis semblant de dormir. Pour le blessé, les deux spectateurs lui donnèrent des secours et le portèrent chez une vivandière du régiment. On le pansa ; le chirurgien vint qui le soigna, et on le conduisit à l’hôpital militaire. Il y resta deux mois entiers.

Le matin, l’on questionna les spectateurs que la vivandière connaissait, et l’on sut que c’était moi qui m’étais battu. Un caporal envoyé pour me questionner me demanda où était ma baïonnette ; je lui répondis qu’elle était sous le pied du lit. Il la cherche et la trouve : elle était pleine de dents, parce qu’en parant cela avait fait des brèches. Il me demanda si c’était moi qui avais blessé la Giroflée, c’était le nom de celui avec