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au corps-de-garde et l’on nous menaçait de la charbonnière. Mes autres camarades eurent peur de la garde, s’enfuirent et furent avertir plusieurs personnes qui vinrent nous réclamer : nous en fûmes quittes pour la peur. Sitôt que nous rencontrâmes les fuyards, nous leur dîmes des injures : qu’ils étaient des poltrons, qu’ils n’avaient point de cœur.

Enfin ma mère se résolut à me faire apprendre un métier, et j’ai choisi celui d’orfèvre. Me voilà en apprentissage. Le marché était ainsi conclu que j’y resterais quatre années pour quatre cents francs d’argent. J’étais content d’avoir quitté la maison paternelle. Le bourgeois chez qui j’étais était un brave homme, mais sa femme, vieille bigote, était le bon Dieu à l’église et le diable à la maison. J’étais forcé les dimanches et fêtes d’aller à la messe de la paroisse avec elle : cela m’ennuyait assez ; enfin, comme j’avais la voix très forte, je faisais tous mes efforts pour l’empêcher de prier, et je chantais tant que je pouvais afin de l’étourdir dans ses prières ; ce qui lui fit prendre le parti de m’envoyer du côté du Cours, avec ordre de la venir reprendre sitôt la grand’messe finie. Je profitais de cette occasion pour aller jouer avec les autres apprentis sur le portail, puis je rentrais reprendre ma bourgeoise.