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surtout les étonnait beaucoup. Ils admiraient nos talents, et chacun d’eux se proposait d’utiliser notre industrie quand une épidémie affreuse se déclara dans l’île d’Anjouan.

Cette maladie, dont nous fûmes presque tous frappés, occasionnait des douleurs aiguës qui se répandaient dans tous les membres et qui n’avaient de terme que dans une mort rapide.

Rossignol fut une des premières victimes de l’épidémie. Jusqu’à son dernier moment ses paroles ne démentirent point son caractère impétueux et son courage intrépide.

Quelques instants avant d’expirer, il s’écria dans des mouvements convulsifs et en se tordant les bras : « Je meurs accablé des plus horribles douleurs, mais je mourrais content, si je pouvais savoir que l’oppresseur de ma patrie, l’auteur de tous nos maux, endurât les mêmes souffrances ! »

Il fut vivement regretté de nous tous et malgré nos propres maux, malgré l’égoïsme de la douleur, nous trouvâmes encore des larmes pour pleurer son trépas. Du reste, par son caractère, il nous était essentiellement utile. Fallait-il agir avec vigueur ? Il était le premier, et son activité paraissait infatigable ; fallait-il souffrir avec résignation ?