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armes des écoliers : règles, compas, canifs, tout en était ; plusieurs fois je fus blessé, cela ne me dégoûtait pas. Sitôt que j’étais à même de reprendre ma revanche, je m’y trouvais avec plaisir, et par un nouveau combat je revenais quelquefois vainqueur ou d’autres fois vaincu.

Je mentais assez bien à la maison, surtout quand j’avais été battu : c’était que j’étais tombé ou que l’on m’avait fait cela sans le vouloir. J’avais une mère à qui il ne fallait jamais se plaindre ; elle était très dure ; elle ne nous cajolait pas, au contraire : « Va, disait-elle, aujourd’hui t’as trouvé ton maître. » Cela m’outrait à un tel point que souvent je sortais en colère de la maison, et, sur le premier que je rencontrais il fallait que je passe ma colère, puis j’étais satisfait. Un jour, je me souviens que nous avions fait une partie carrée de six contre six sur la demi-lune des boulevards, mais, comme nous étions très animés, la garde vint nous surprendre et le guet de Paris tenait déjà deux de nous, lorsque tout à coup notre colère cessa les uns contre les autres, et nous cherchâmes à retirer des mains de la garde nos camarades ; mais cela fut inutile, car j’avais fait tomber un soldat du guet par terre ; je tombai aussi ; alors un autre soldat me prit et l’on nous emmena tous