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Quand on sut que trente-trois d’entre nous allaient être ainsi déportés, sans autre forme de procès, à l’île d’Anjouan, M. Langlois, habitant de Mahé, dit au commissaire : « Monsieur, si vous les envoyez à Anjouan, il n’en restera pas un dans trois mois. Je connais le climat. » Cette observation fut inutile. Notre sort était décidé[1].

Le 13 mars 1802, le Bélier leva l’ancre et s’éloigna des îles Seychelles.

Quel voyage !

Rien n’égale ce que nous avons souffert pendant ce trajet de 800 lieues. On nous jeta dans l’entrepont où nous étions extrêmement serrés et privés d’air et de lumière dans un logement qui

  1. On lit dans un travail joint aux pièces de la déportation à Anjouan :

    « Au lieu de transporter les déportés à l’île d’Anjouan, il semble que l’expédition aurait dû être destinée pour Madagascar. Là, on aurait trouvé des points où il eût été facile d’occuper utilement ces individus. On cite le port de Louquez, au nord-est de Madagascar : ce pays est découvert, il produit de bon tabac, de la cire jaune, d’excellent miel ; les bords de la mer fournissent beaucoup d’ambre gris et de tortues. Angoutry, dans la baie du cap de l’est offrirait encore un lieu de retraite ; c’est là que Benyousky avait fixé sa résidence, et certes ce fameux aventurier connaissait les localités : en effet le port est bon, le sol fertile, le riz y croît sans culture ; on y trouve de beau bois de construction et d’autres bois recherchés tels que l’acajou et le santal.

    « Si cette proposition est approuvée, il en sera écrit au commandant de l’Ile-de-France, pour qu’il transporte à l’un ou l’autre des endroits désignés les 32 déportés qui sont à Anjouan. » (Arch. des Colonies.)