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lutionnaires d’une belle voix claire et sentimentale, et chacun répétait en chœur le refrain.

« Quoique cette maison fût, à proprement dire, publique, rapporte Grisel, cependant il n’y avait que les initiés qui pussent y mettre les pieds ; toutes autres personnes qui entraient dans ce café étaient regardées comme mouchards et espions du gouvernement. On les conspuait, on les bafouait ; bref, ils étaient forcés de sortir. On y parlait très librement sur les affaires, sur la conspiration même ; on parlait des muscadins, des Chouans[1].

    Il veut du pain, non des débats,
    Ventre affamé n’a point d’oreille.
    Grassement, il vous entretient ;
    Et que lui donnez-vous ? — Un zeste.
    S’il se lève, pensez-y bien,
    On ne vous répond pas du reste.

  1. Germain, en réfutant Grisel, « le principal témoin dans cette monstrueuse procédure, » décrit d’une façon vive ce café des Bains-Chinois où Rossignol, Darthé, Germain, Buonarotti avaient coutume de se voir :

    « Il existe sur le boulevard du théâtre italien, au coin de la rue de la Michodière, en face de celle du Mont-Blanc, un bâtiment de structure orientale. C’est là qu’était autrefois l’établissement des Bains-Chinois. La façade de cet édifice pique et attache la curiosité de tous les passants. Chacun s’y arrête pour baîller aux colifichets qui s’offrent tout à coup à sa vue. Des magots de la Chine au front largement chauve, à la poitrine ombragée d’une barbe épaisse, des parasols adroitement découpés, une innombrable quantité de clochettes, d’inintelligibles hiéroglyphes, des pavillons artistement peints, des balcons, des treillages, des sols artificiels, en voila bien autant qu’il en faut pour forcer la multitude des badauds à stationner devant cette burlesque habitation.