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fond tous les bateaux qui étaient sur la rivière, afin qu’aucun brigand ne pût échapper à la poursuite de nos armées républicaines, et, après la

    « Lorsque je pris le commandement des armées réunies, j’y remarquai une ligne formée par une grande partie des généraux de l’armée de Mayence (nom qu’elle a beaucoup de peine à quitter). Cette ligne avait pour but de faire perdre la confiance dans les généraux sans-culottes et de mettre à leur place des intrigants. Ils étaient même parvenus, par des inculpations fausses, à faire destituer par les représentants du peuple les braves Muller et Canuel. Leur joie éclatait pendant ce temps et n’a cessé que lorsque les représentants, convaincus de la vérité, leur ont rendu la justice qu’ils avaient droit d’attendre, en les réintégrant dans leurs fonctions.

    « Tu m’as demandé ma façon de penser sur le compte de Marceau ; en bon républicain, la voici : C’est un petit intrigant enfoncé dans la clique, que l’ambition et l’amour-propre perdront. Je l’ai suivi d’assez près, et je l’ai assez étudié avec mon gros bon sens, pour l’apprécier à sa juste valeur. D’après les renseignements que j’ai pris, il était le voisin et l’ami du scélérat Pétion. Il dit hautement que la révolution lui coûte vingt-cinq mille livres. Il a servi d’ailleurs dans la ci-devant légion germanique dont les principes étaient plus que suspects. Le représentant Prieur, qui est ici, a fait les mêmes remarques que moi. En un mot, je suis forcé de te dire qu’il inquiète les patriotes, avec lesquels d’ailleurs il ne communique pas.

    « Quant à Kléber, depuis huit jours il est concentré ; il ne dit plus rien au conseil, il parle souvent de Dubayet, avec cependant assez de prudence pour ne rien laisser percevoir de leur ancienne amitié. C’est un bon militaire qui sait le métier de la guerre, mais qui sert la République comme il servirait un despote…

    « Westermann est toujours le même. Je t’ai parlé de sa conduite à l’égard des deux officiers de la trente-cinquième division de gendarmerie, dont il a tué l’un à coups de sabre et blessé l’autre. Il vient d’en tenir une pareille contre un aide de camp du général Muller. Il n’y a pas d’horreurs qu’il ne dise contre ce brave sans-culotte, et la seule chose qui le désole est de se voir commandé par des gens qui ne veulent pas servir son ambition. J’ai commu-