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    « Une autre circonstance que je ne dois pas non plus passer sous silence, c’est que deux membres de la Convention nationale, Dandenac le jeune, et Delaunay le jeune, qui se trouvaient à Saumur sans mission, ne prirent aucune part au combat. Nous leur avions cependant fait délivrer des chevaux dont ils ne profitèrent que pour fuir les premiers, entraînant avec eux quelques fuyards qu’ils dirigèrent sur Angers quoique nous les eussions prévenus d’avance qu’en cas de retraite elle s’effectuerait sur Tours… J’ai dit que ces deux députés étaient venus à Saumur sans mission ; du moins ils n’en avaient pas d’apparente ; mais depuis nous avons acquis la certitude qu’ils en avaient une secrète, celle de se concerter avec les administrations civiles pour organiser des forces départementales, pour marcher sur Paris, et pour y comprimer ceux que les Girondins désignaient sous le nom d’anarchistes.

    « Arrivés à Angers, ces deux représentants, d’accord avec les administrateurs du département, convoquèrent un Conseil de guerre dans lequel il fut décidé qu’on évacuerait la ville sans attendre l’armée vendéenne qui, avant de se mettre en marche, resta inactive à Saumur pendant huit jours, parce que quelques-uns de ses chefs avaient conçu le projet audacieux de marcher sur Paris, et qui n’échoua que parce que les paysans qui formaient la principale force de cette armée ne voulurent jamais consentir à s’éloigner de leurs foyers, et ils eurent peut-être raison, parce qu’il est à croire qu’ils auraient trouvé leur tombeau dans les plaines de la Beauce. La détermination d’abandonner une ville aussi importante qu’Angers fut non seulement une insigne lâcheté, mais une trahison bien caractérisée ; une lâcheté parce qu’il était facile de s’y défendre puisque la ville était entourée de murailles qui, à la vérité, étaient vieilles, mais qui, plus tard, ont résisté à toutes les forces vendéennes réunies sous le commandement de Charles d’Autichamp. Cette détermination était aussi une trahison, car il est évident pour moi qu’en dirigeant la retraite sur Laval au lieu de la diriger sur le Mans, dont la route était parfaitement libre, on faisait un circuit inutile d’une vingtaine de lieues de plus qu’il ne fallait : c’était évidemment du renfort que nos deux collègues étaient chargés de conduire aux fédéralistes du Calvados ; et cela est si vrai que des envoyés des départements voisins et ceux même de la Gironde qui avaient passé à Niort et à Poitiers étaient déjà réunis à Laval, et que des bataillons qu’on y avait formés étaient de suite dirigés sur le Calvados. Du moins telle paraissait être leur