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quentje me fis rendre mon argent. Ce fut dans cet endroit que j’appris l’affaire des Tuileries, qui avait eu lieu ce jour-là : le prince Lambesc et sa troupe contre le peuple.

Je pris donc le chemin pour m’en retourner au port Saint-Paul, lieu de ma résidence chez ma mère, et vis, à la vérité, que l’on jetait les barrières en bas et que plusieurs étaient brûlées. Une troupe que l’on appelait les passeux, c’est-à-dire les contrebandiers, s’était chargée de cette expédition. Sans aucune résistance, toutes les barrières dans la même nuit furent jetées par terre. Ils étaient armés de bâtons, fourches, etc. Tous les individus qui passaient, ils les interpellaient : « Es-tu du Tiers-État ?… Crie : Vive le Tiers-État ! » Je criai vive le Tiers-État, et l’on ne me fit aucune peine. Mais un d’entre nous, par entêtement, ne voulut pas crier, et je puis dire qu’il ne connaissait pas le mot ; il fut arrêté parmi nous et conduit depuis la barrière du Temple jusque sur les marches du pas de l’Hôtel de Ville, où on lui fit faire amende honorable. J’étais resté désespéré de ne pouvoir le venger, parce qu’il y avait impossibilité : ils étaient plus de deux cents pour cette expédition. Je lui représentai, cependant, qu’il fallait faire comme les autres et que le nom de Tiers-État voulait dire