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Après cette vacance, Paris le reprenait.

Secrétaire de Meyrargues qui n’écrivait guère, il y avait des loisirs, se mêlait aux groupements révolutionnaires et aux mouvements d’art, s’affinait, se complétait, devenait impropre à tout métier.

Cependant une impatience obscure le minait.

Des soirs, il descendait dans la rue et s’imprégnait de la foule ; sur des bancs, il respirait la mortalité des squares ; dans les yeux clignotants, dans les gestes fous, dans les voix éraillées, dans les laideurs et les anémies côtoyées, il apprenait à se connaître. Les frontières de sa personnalité s’effaçaient ; il se sentait immortel, immense et malheureux ; il souffrait pour tout le bétail de misère qui ne saigne plus sous l’aiguillon de la conscience. Des nuits entières, il allait au hasard, cherchant des débris d’âme et promenant son émotion comme une lanterne sourde sur le pavé de la ville assoupie. À l’aube, il rentrait frileux, toussant, las d’avoir trop marché, ivre de pitié, le cœur barbouillé de boissons mauvaises. Il pensait alors que le travail avait abruti l’espèce et cherchait le secret de son relèvement.