avec une anxieuse curiosité à l’expérience qui se tentait sous ses yeux ; puis à mesure que la situation se dessinait avec plus de netteté, que le changement opéré dans le gouvernement de la France perdait le caractère d’une révolution politique, à mesure que se produisaient devant elle les manifestes, les doctrines, les actes de cette guerre hautement déclarée à la vieille société, à mesure qu’elle en subissait dans sa fortune, dans son repos, dans sa sécurité, les funestes conséquences, elle passait de cette indifférence apparente à une opposition passive et bientôt après à l’hostilité ouverte. De sorte que, dès le lendemain du jour où le gouvernement provisoire avait été porté à l’Hôtel de ville par la tourmente révolutionnaire, ce malheureux gouvernement se trouvait placé entre les prétentions perturbatrices du socialisme et l’hostilité de la classe moyenne ; situation fausse qui le condamnait d’avance et fatalement à suivre la plus détestable des politiques, celle de bascule ; c’est-à-dire à prendre son point d’appui tantôt sur les ouvriers contre les bourgeois, tantôt sur les bourgeois contre les ouvriers ; politique qui devait infailliblement le commettre avec les uns et avec les autres et lui faire perdre toute force morale, toute autorité. La faute n’en était pas aux gouvernants ; c’était une des tristes nécessités de cette révolution qui venait de s’accomplir sans cause politique suffisante, sans grief bien défini, sans but déterminé et réalisable.
Ainsi le conflit entre les ouvriers et les bourgeois, tel était le caractère propre de la révolution de 1848. Ce qui est commun à cette révolution et à toutes celles qui, depuis 1789, se sont succédé à des intervalles à peu près égaux dans notre France, c’est que, nées d’une centralisation excessive, elles se sont toutes trouvées possédées d’une manie insensée d’u-